- Témoignages
- Bâtiment
Michaël Pasquet : regard d’investisseur aux 2 Alpes
Depuis trente ans, la Compagnie des Alpes (Groupe Caisse des Dépôts) exploite des parcs de loisirs et les plus grandes stations françaises de ski alpin. Son savoir-faire dans la conception et l’assistance à maîtrise d’œuvre de projets en altitude s’accompagne désormais d’une expertise en opérations immobilières.
C’est dans ce cadre que Michaël Pasquet, son directeur du Développement des Destinations de Montagne, revient sur sa collaboration avec VINCI Construction, notamment sur les projets des Clarines et de The People Hostel aux 2 Alpes.
Maîtres d’œuvre et maîtres d’ouvrages, exploitants et mainteneurs, promoteurs et constructeurs : autant de profils plutôt familiers du monde du BTP quand la mission d’investisseur immobilier est souvent moins connue. Comment décririez-vous votre métier ?
Michaël Pasquet : Mon activité au sein de la division Domaines skiables de la Compagnie des Alpes est atypique, car le financement de projets immobiliers n’est pas ma mission première. Notre vocation est d’exploiter des domaines skiables, de générer un volume accru de journées-skieurs et donc, de créer les conditions positives de retombées économiques pour les stations, les territoires et la collectivité en permettant le remplissage de lits dits « chauds ». Dans les années 1970, de nombreux immeubles ont été construits au moment où le ski se démocratisait. Grâce aux avantages fiscaux, à la vente à la découpe aux particuliers et à la location, les petites surfaces ont été privilégiées et les modèles de grandes marques touristiques comme Pierre & Vacances® ou Odalys Vacances, associés à des baux de neuf ans, se sont imposés. Aujourd’hui, les surfaces se révèlent inadaptées et les résidences de véritables passoires thermiques. Résultat : des lits vides qui ne profitent à personne, notamment dans les périodes d’inter-vacances.
Que faire pour lutter contre ce phénomène des « lits froids » occupés par les touristes moins de quatre semaines par an, qui inquiète les stations de ski ?
Michaël Pasquet : Nous avons besoin de répondre aux attentes avec des produits qualitatifs. C’est ce constat qui nous a conduits à ne plus investir seulement dans les remontées mécaniques mais aussi dans les hébergements, et à jouer à plein notre rôle d’investisseur en « portant les murs » de projets structurants, durables, attractifs en saisons hivernale et estivale, indispensables à l’équilibre financier des hébergeurs. Nous avons l’habitude d’équiper, d’entretenir et d’exploiter des domaines skiables en concession longue durée, sur trente ans et plus, comme le Groupe VINCI le fait dans le secteur autoroutier ou aéroportuaire. Nous devons être en capacité de donner vie à notre vision globale d’aménageur là où des promoteurs pourraient davantage privilégier une approche court-termiste.
La Compagnie des Alpes a ainsi complété son spectre d’activités en créant la Foncière Rénovation Montagne en 2013 et la Foncière Hôtelière des Alpes en 2015 pour la construction et la rénovation lourde de milliers de lits touristiques…
Michaël Pasquet : Oui, ces structures relèvent de la Caisse des Dépôts et sont associées aux partenaires bancaires qui nous accompagnent en tant qu’actionnaires de la Compagnie des Alpes mais aussi sur des opérations immobilières dans lesquelles nous n’avons, en général, ni la vocation ni la capacité à nous engager seul. Pour la Foncière Rénovation Montagne, l’enjeu complexe et minutieux est de rénover en secteur diffus et de faire renaître des appartements ou des résidences qui restent inoccupés quasiment toute l’année. Quant à la Foncière Hôtelière des Alpes, elle propose un modèle immobilier plus efficace et plus vertueux conjuguant des établissements avec un volume de lits plus important, des gestionnaires fiables, ainsi qu’un rendement plus élevé.
Le premier investissement de la Foncière Hôtelière des Alpes a été réalisé dans l’immeuble qui allait accueillir The People Hostel. Quels étaient les enjeux aux 2 Alpes ?
Michaël Pasquet : Il fallait prendre des risques et sortir de l’attentisme : la station avait besoin d’un nouveau souffle immobilier. Nous étions convaincus de l’effet domino que provoqueraient l’arrivée d’une auberge de jeunesse nouvelle génération avec The People Hostel et l’implantation d’une Résidence Club MMV quatre étoiles, deux opérations conjuguant construction et réhabilitation développées par Adim Lyon (NDR : respectivement réalisées par Arbonis et Campenon Bernard Dauphiné Ardèche, Citinéa ainsi que Cofex-GTM Travaux Spéciaux). Nous ne pouvons plus attendre que les programmes sortent de terre et nous sommes conscients de la nécessité d’opérer des lits directement. En tant que maître d’ouvrage, nous devenons ainsi moteurs de nos ambitions en maîtrisant le type de projets, leur date de livraison et le foncier où ils sont réalisés.
Avec The People Hostel, un établissement accessible aux jeunes touristes, convivial, bien placé et abordable, vous proposiez un concept urbain inédit en montagne. Cela avait de quoi faire peur ?
Michaël Pasquet : Les élus s’attendaient à voir éclore un hôtel ou une résidence de tourisme, et personne ne voulait miser sur un combo hybride pour jeunes sportifs. Grâce à notre connaissance du terrain, nous avons su rassurer nos partenaires sur le fait que le projet répondait aux enjeux d’attractivité touristique, de redynamisation économique et de diversification des publics tout en respectant le critère d’efficacité énergétique. Le marché du tourisme en montagne, les modes et les usages ont évolué. Les décideurs le savent et veulent « monter en gamme ». Cependant, « monter en gamme » n’implique pas systématiquement une course au luxe mais plutôt un besoin de sur-mesure : des services adaptés à toutes les clientèles, des prix adaptés à toutes les bourses, des produits adaptés à toutes les envies. France Hostels (NDR : désormais propriété de l’opérateur Grape Hospitality) et son concept de one stop hostel cochaient toutes les cases en adressant une génération plus jeune dont les séjours sont plus courts et qui recherche un produit de bonne facture, sans sophistication et à prix abordable.
Après deux ans d’exploitation, quel regard portez-vous sur le travail réalisé avec les équipes d’Adim Lyon et d’Arbonis sur The People Hostel ?
Michaël Pasquet : De mon point de vue d’investisseur, nous avons financé la transition vers des bâtiments plus vertueux et contribué à l’économie locale des 2 Alpes. Je retiens la satisfaction de collaborer avec une entreprise qui a su s’adapter aux exigences de la montagne en gardant toujours en tête la finalité du bâtiment, l’intensité de son exploitation durant la saison d’hiver et la manière dont il vieillira. Les équipes de VINCI Construction France ont compris très vite que notre enjeu de durabilité n’était pas seulement environnemental, tout comme celles de France Hostels qui ont continué à affiner leur produit pour que les skieurs aient par exemple davantage d’espace pour leur équipement ou que les espaces de restauration soient plus en phase avec leur mode de séjour.
Quel parallèle feriez-vous entre la Compagnie des Alpes et VINCI Construction ?
Michaël Pasquet : Nous partageons un même modèle d’organisation local-global et décentralisé qui permet de combiner la flexibilité au niveau local avec l’efficacité d’un pilotage d’ensemble. À l’instar de VINCI Construction, les orientations de notre groupe s’élaborent au sein de notre maison-mère, mais nous prenons les décisions en étant bien ancrés en région, au plus proche du terrain. Nous savons prospecter les opportunités, sécuriser un foncier et prendre des décisions rapides.
Comment qualifieriez-vous la relation tissée avec les équipes de VINCI Construction ?
Michaël Pasquet : J’apprécie de pouvoir compter sur le haut niveau de compétences de constructeurs passionnés et sur la qualité d’écoute de développeurs immobiliers expérimentés, là où la Compagnie des Alpes en est à ses débuts. C’est un atout de travailler avec une entreprise solide qui comprend nos enjeux d’investisseur. De ces échanges devraient naître quelques beaux projets dans les mois et les années à venir, notamment dans le Briançonnais.
Je retiens la satisfaction de collaborer avec une entreprise qui a su s’adapter aux exigences de la montagne en gardant toujours en tête la finalité du bâtiment, l’intensité de son exploitation durant la saison d’hiver et la manière dont il vieillira.